Page:Schlegel - Œuvres écrites en français, t. 1, éd. Böcking, 1846.djvu/279

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en religion destinée à tous les peuples. Voilà un grand paradoxe historique. Saint Paul était un néophyte tardif ; il n’avait point connu le Christ personnellement ; il n’avait point entendu ses enseignements ; il n’avait vu aucun de ses miracles ; il n’avait pas non plus assisté à leffusion du Saint-Esprit. Il reçut le baptême de la main d’Ananias, d’un disciple obscur qui résidait à Damas. Il fit sa première mission en commun avec saint Barnabé, mais en sous-ordre. L’apôtre ambitieux se lassa bientôt de cette situation, et se brouilla avec son bienfaiteur. Que pouvait-il raconter, attester, prêcher de son propre chef ? Nous le voyons par ses épîtres : il y a peu de faits, excepté ce qui concerne sa propre vie ; le reste est du raisonnement. Saint Paul n’eut que peu de communications directes avec les disciples primitifs, les confidents de Jésus. Ceux-ci, qu’il appelle lui-même les piliers, voyaient d’un mauvais œil ses empiétements sur leur autorité : mais il fallut entrer en négociation avec un homme déjà devenu célèbre. Il paraît que saint Paul a dû son ascendant en partie à une légère teinte de savoir grec, mais principalement à la hardiesse avec laquelle il renversa les barrières qui avaient séparé jusqu’alors les Juifs du reste du genre humain, c’est-à-dire la circoncision et les viandes défendues. Peut-être aussi sa qualité de citoyen romain, qui avait manqué à Jésus et à ses disciples, lui fut-elle fort utile. Il était, d’une certaine façon, un Juif anobli, et cela lui aura valu un accès plus facile hors du cercle de sa nation. — —

23.

Saint Paul était un homme politique ; il voyait très-bien ce qui pouvait servir à l’agrandissement de la secte qu’il