Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulu par Dieu, comme expiation nécessaire et suffisante de la chute. Cette idée d’une satisfaction donnée à la justice divine, qui est un des dogmes fondamentaux du christianisme positif, Schleiermacher l’a rejetée, nous l’avons vu, dès sa dix-neuvième année, comme incompatible avec sa conception de la bonté et de la toute puissance divines.

Dès ce moment et tout le long de sa vie, elle semble lui être demeurée tout à fait étrangère. Nous avons constaté qu’elle n’apparaît même pas pour être discutée dans les Discours, et l’on peut se demander s’il n’y avait pas, dans la désinvolture de cette omission, un effet de ce qu’il entre de dilettantisme dans l’esprit romantique. Mais ce problème n’intervient pas davantage, je crois, dans la Foi chrétienne, pas même dans la discussion serrée, où elle aurait sa place naturelle, sur la justice et la miséricorde divines, §§ 84-85, I, 443-453. Son christianisme laisse cette croyance de côté. Là est la grande différence entre sa piété et la foi de stricte observance. À l’égard de ce dogme, le romantique assagi est toujours resté hétérodoxe, hérétique si l’on veut aller jusqu’au terme que dans un de ses Discours il souhaitait voir remis en honneur.

Il admet cependant que, dans la mission du Christ, il y ait du surnaturel, du divin, et voici comment. Le salut de l’humanité selon lui, c’est la victoire du bien sur le mal, le retour à l’état de perfection dans lequel et en vue duquel Dieu a créé l’homme. Or, cette victoire, ce retour, ne sont possibles que par l’action sur l’homme d’un modèle, d’un exemple, donnés par un prototype pur lui-même de tout péché. Christ, seul des humains, n’a pas été soumis à la loi du péché. Il y a là un fait, non seulement exceptionnel, mais surnaturel, en tant qu’il contredit une loi universelle. En Christ, l’humain se double donc de divin, et dès 1810 ou 15 ou 20, Schleiermacher n’hésite pas à reconnaître sa divinité, mais conçue de cette façon très particulière, et réduisant le surnaturel à un état moral qui constitue une exception unique.

Il y a lieu de remarquer l’analogie entre cette façon dont le protestant divinise le Christ et la manière dont les catholiques ont sanctifié sa mère par le dogme de l’Immaculée Conception. Dans les deux cas, exemption complète du