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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/127

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ce qu’il cherche et fait éclore en tout c’est liberté et cohérence, puissance et loi, droit et convenance.

Mais de même qu’aucune des choses corporelles n’existe par l’effet d’une seule des deux forces de la nature matérielle, de même chaque âme participe des deux fonctions originelles de la nature spirituelle, et la perfection du monde intellectuel consiste en ceci que, entre les extrêmes opposés, ceux où ici l’une et là l’autre de ces fonctions domine presque exclusivement et ne laisse qu’une part infime à son antagoniste, qu’entre ces extrêmes dis-je [8] toutes les combinaisons possibles de ces deux forces soient non seulement réellement présentes dans l’humanité, mais soient de plus unies entre elles par le lien général de la conscience qui les embrasse toutes, de telle sorte que chaque individu, bien qu’il ne puisse être rien d’autre que ce qu’il faut qu’il soit, connaisse chacun des autres êtres aussi distinctement que lui-même, et comprenne à fond tous les représentants individuels de l’humanité. Ceux qui se trouvent aux extrémités de cette grande série sont des natures violentes, complètement repliées sur elles-mêmes, et qui s’isolent. Les uns sont dominés par une sensualité insatiable, qui leur fait assembler autour d’eux une masse toujours plus grande de choses terrestres, car elle est disposée à arracher volontiers ces dernières à l’interdépendance du tout afin de se les incorporer totalement à son seul profit ; dans l’éternelle alternance du désir et de la satisfaction, ceux-là ne s’élèvent jamais au-dessus des perceptions du particulier, et, toujours occupés de connexions égoïstes, la nature essentielle du reste de l’humanité leur demeure inconnue. Les autres sont poussés sans trêve ni repos de ci de là dans l’univers par un enthousiasme inculte, dont les envolées dépassent le but ; sans améliorer la forme et la figure d’aucune réalité, ils planent autour d’idéaux vides, et, consumant et consommant leur force sans utilité, [9] ils s’en reviennent sans avoir rien fait, épuisés, à leur point de départ.

Comment rapprocher ces deux extrémités de manière à faire de cette longue série le cercle fermé qui symbolise l’éternel et l’achevé ? Il y a sans doute un certain point où un équilibre presque parfait les réunit toutes deux, et cet équilibre, il vous arrive beaucoup plus souvent d’en