Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/186

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tout, par la propagation la plus vivante elle met en contact agissant les objets même les plus éloignés, et les effluences de ceux en qui lumière et vérité ont leur siège indépendant, elle les transporte diligemment de côté et d’autre, de façon qu’elles pénètrent certains, et chez d’autres, illuminent leur surface d’un éclat qui fait illusion.

Voilà quelle est l’harmonie de l’Univers, la merveilleuse et grande unité dans son œuvre d’art, cette œuvre éternelle. Or vous, vous blasphémez cette magnificence, avec vos réclamations tendant à une déplorable particularisation, et cela parce que, arrêtés dans le premier vestibule de la morale, et même à l’égard de celle-ci vous en tenant encore aux éléments, vous méconnaissez la religion haute. Votre besoin se marque assez distinctement, puissiez-vous seulement vous en bien rendre compte et le contenter ! Cherchez, parmi tous les faits dans lesquels se reflète cet ordre céleste, s’il ne s’en trouve pas un qui se dévoilera à vous comme un signe divin. Faites complaisamment accueil à une vieille notion depuis longtemps rejetée, et cherchez, parmi tous les hommes saints dans lesquels l’humanité se révèle plus immédiatement, à en trouver un qui puisse être [98] le médiateur entre votre façon de penser bornée et les limites éternelles du monde ; et quand vous l’aurez trouvé, parcourez alors toute l’humanité, et laissez éclairer du reflet de cette nouvelle lumière tout ce qui jusque-là vous paraissait différent.

De ces pérégrinations à travers tout le domaine de l’humanité, la religion revient avec un sens plus aiguisé et un jugement plus formé, rentre dans son propre moi, et trouve finalement en elle-même tout ce dont elle a cherché l’assemblage tiré des régions les plus éloignées. En vous-mêmes, vous ne trouverez alors pas seulement les éléments de ce que vous avez perçu de plus beau et de plus bas, de plus noble et de plus méprisable chez d’autres comme aspects isolés de l’humanité ; en vous, vous ne découvrirez pas seulement, à des époques différentes, tous les degrés les plus divers des forces humaines. Alors, tous les innombrables mélanges d’aptitudes différentes que vous avez observés dans le caractère d’autres personnes ne vous apparaîtront plus que comme des moments stabilisés de votre propre vie. Il y a eu des instants où