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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/242

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tiple et variée, ce qui se présente vêtu d’une si magnifique parure.

Je voudrais pouvoir vous faire un tableau de la vie riche et débordante de cette cité de Dieu[1], quand ses citoyens se rassemblent, chacun plein de la force qui lui est propre et qui veut se déverser au dehors, plein aussi du saint désir de saisir et s’approprier tout [182] ce que les autres peuvent lui offrir. Quand un de ceux qui se trouvent réunis se détache des autres et leur fait face, ce n’est pas une fonction ni une entente concertée qui l’y autorise, ce n’est pas l’orgueil ou la fatuité qui lui inspire de la présomption : c’est un libre élan de son esprit ; c’est le sentiment de la plus cordiale union, chacun ne faisant qu’un avec tous ; c’est le sentiment aussi de la plus parfaite égalité, dans un commun anéantissement de tout « d’abord et en dernier lieu », de tout « avant et après », de tout classement terrestre[2]. Celui qui se détache des autres, c’est pour leur proposer sa propre intuition comme objet de leur participation méditative[3] afin de les conduire dans la zone de la religion où il est chez lui, et de leur inculquer ses propres sentiments sacrés : il exprime l’Univers[4], et la communauté suit, dans un silence sacré, son discours inspiré. Soit qu’il dévoile un miracle caché, ou relie l’avenir au présent dans un sentiment de confiance prophétique, qu’il fortifie d’anciennes impressions par de nouveaux exemples ou que, dans des visions sublimes, son ardente imagination le ravisse et le transporte dans d’autres parties du monde et un autre ordre de choses, le sens exercé de la communauté accompagne partout le sien, et quand il revient de ses pérégrinations à travers l’Univers[5] et rentre en lui-même, son cœur et celui de chacun des autres est le théâtre[6] commun du même sentiment. [183] À haute voix lui répond alors la profession de foi de l’accord de sa vision des choses avec ce

  1. Schleiermacher s’inspire dans tout ce passage de ses souvenirs des libres conciliabules des frères moraves.
  2. Le commentaire 4 de 1821 nuance un peu cet égalitarisme, en tenant compte des nécessités d’une organisation ecclésiastique.
  3. Cette détermination de « objet » est une adjonction de C.
  4. C : le Divin.
  5. B : le royaume de Dieu.
  6. C : siège.