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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/243

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qui est en eux[1], et ainsi sont trouvés, ainsi sont célébrés des mystères sacrés, qui ne sont pas seulement des emblèmes pleins de signification, mais à voir les choses telles qu’elles sont, les signes naturels indiquant un état de conscience déterminé, et des états affectifs déterminés : c’est comme un chœur de nature supérieure, répondant, en une langue sublime qui lui est propre, à la voix qui l’y a invité. Mais ce n’est pas là seulement une comparaison. De même qu’un semblable discours est musique, même sans chant et sans particulière intonation, de même aussi, parmi les saints, il est une musique qui devient discours sans mots, expression la plus déterminée et la plus compréhensible de l’intériorité la plus intérieure[2]. La muse de l’harmonie, dont la relation intime avec la religion est encore de l’ordre des mystères, a de tout temps offert à celle-ci sur ses autels les œuvres les plus magnifiques et les plus parfaites de ses disciples les plus sanctifiés. Dans des hymnes et des chœurs sacrés, auxquels les paroles des poètes ne sont rattachées que par une participation fluide et vaporeuse, s’exhale ce à quoi se refuse la précision du discours, et ainsi se soutiennent mutuellement et alternent les accents de la pensée et ceux du sentiment, jusqu’à ce que tout soit saturé et plein de ce qui est saint et infini. Telle est l’action qu’exercent les uns sur les autres [184] les hommes religieux, telle est la liaison naturelle et éternelle entre eux. Sachez ne pas leur en vouloir si ce lien céleste, le résultat le plus parfait de la sociabilité humaine, auquel cette dernière ne peut parvenir qu’à la condition d’être connue du point de vue le plus haut, dans son essence la plus intime, si ce lien a plus de valeur pour eux que votre lien politique terrestre, qui n’est que l’effet d’une contrainte, qu’une œuvre éphémère, intérimaire.

Où donc est dans tout cela cette opposition entre prêtres et laïques que vous avez l’habitude de dénoncer comme la source de tant de maux ? Une fausse apparence vous a aveuglés : il n’y a là aucune différence entre personnes, mais seulement une différence de dispositions et

  1. Il s’agit naturellement de ces « autres », ses auditeurs, ses frères.
  2. Ce passage nous fait entendre un Schleiermacher aussi capable que ses frères en romantisme, plus esthètes et esthéticiens que lui, de parler, dès la fin du xviiie siècle, d’une poésie toute et purement musicale.