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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/311

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christianisme : je déteste ce genre de connexions historiques sur le plan de la religion ; la nécessité qui régit cette dernière est d’un ordre bien plus haut, éternel et tout commencement en elle est un fait originel. Mais le judaïsme a un caractère d’enfance d’une telle beauté, et que les vestiges du temps masquent si complètement, l’ensemble est un si remarquable exemple de la corruption de la religion, et de sa disparition totale du sein d’une grande masse où elle se trouvait auparavant, que cela vaut bien la peine qu’on perde quelques mots à son sujet[1].

Éliminez tous les traits politiques et, Dieu voulant, tous les traits moraux, par lesquels on caractérise communément le judaïsme ; oubliez toute la tentative expérimentale faite par lui en vue de rattacher l’État à la religion, pour ne pas dire à l’Église ; oubliez que le judaïsme a été dans une certaine mesure en même temps un ordre[2], fondé sur une vieille histoire de famille et maintenu par les prêtres ; ne regardez en lui qu’à ce qu’il a de proprement religieux — à quoi tous ces éléments n’appartiennent pas — et dites-moi : quelle est l’idée de l’Univers qui transparaît ici partout ? Nulle autre que celle d’une sanction générale directe, d’une réaction particulière de l’Infini, à l’endroit de tout fini distinct dont l’origine est une volonté libre, par le moyen d’un autre fini, dont l’origine n’est pas regardée [288] comme étant une libre volonté.

C’est ainsi que sont considérées toutes choses : surgissement et disparition, bonheur et malheur ; même à l’intérieur de l’âme humaine, pas d’autre alternance que celle d’une manifestation de liberté et de volonté indépendante, avec une intervention directe de la Divinité. Tous les autres attributs de Dieu, qui sont aussi l’objet d’intuitions, se manifestent selon cette règle, et sont toujours considérés par rapport à elle ; récompensant, punissant, châtiant le particulier dans le particulier, voilà comment la Divinité est constamment représentée.

  1. Ces deux propositions, complément nécessaire des « si » précédents, sont une adjonction de B.
  2. Orden, ordre au sens où l’on parle de l’ordre des Templiers ou de l’ordre Teutonique ; cf. p. 4, note 5.