Aller au contenu

Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Considérons seulement la vivante intuition de l’Univers, qui remplissait toute son âme, sous la forme parfaite sous laquelle nous la trouvons en lui[1]. Si tout fini, pour ne pas s’éloigner toujours plus de l’Univers et ne pas aller s’éparpillant dans le vide et le néant, pour maintenir sa liaison avec le Tout[2] et s’élever à la conscience de cette liaison, a besoin de la médiation d’un élément supérieur, s’il en est ainsi, cet élément médiateur, qui ne doit pas avoir lui-même à son tour besoin d’une médiation, ne peut absolument pas n’être que fini ; il doit appartenir aux deux règnes : il doit participer de la nature divine de même et dans le même sens qu’il participe de la nature finie. Or, que voyait-il autour de lui qui ne fût fini et soumis au besoin de la médiation ? Et où se trouvait un principe de médiation en dehors de Lui ? Personne ne connaît le Père que le Fils, et celui auquel Il veut le révéler[3]. Cette conscience du caractère unique de sa religiosité[4], du caractère primordial [303] de sa conception, et de la force dont celle-ci était douée pour se communiquer et susciter de la religion, a été chez lui à la fois la conscience et de sa fonction médiatrice et de sa divinité.

Quand arriva le moment — je ne veux pas dire où il se trouva exposé à la brutale violence de ses ennemis, sans espoir de pouvoir prolonger sa vie — car cela est indiciblement peu de chose — mais quand vint le moment où, abandonné, sur le point de se taire pour toujours, sans voir posée la moindre base réelle d’une communauté des siens, quand alors, en face de la solennelle magnificence de la vieille religion corrompue, qui se présentait forte et puissante, entourée de tout ce qui inspirait le respect et peut commander la soumission, de tout ce que dès son enfance on lui avait appris à révérer, quand il se trouva ainsi, sans autre soutien que ce sentiment, et quand alors, sans attendre, Il prononça ce oui[5], le plus grand mot

  1. À noter cette attribution au Christ lui-même de la fameuse « intuition de l’Univers », principe de la religion selon les Discours ; modifié en 1821 en « la participation intime vivante au monde spirituel ».
  2. Texte de 1821, A répétait : « l’Univers ».
  3. Utilisation de Matthieu XI, 27, ou Luc X, 22.
  4. « De sa religiosité », est remplacé en 1806 par « de sa connaissance de Dieu et de son existence en Dieu ».
  5. Marc XIV, 61-2.