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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/322

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que jamais mortel ait prononcé, ce fut là la plus magnifique des apothéoses, et aucune divinité ne peut être plus certaine que celle qui se pose ainsi elle-même[1].

Avec cette foi en lui-même, qui peut s’étonner qu’il ait été certain non seulement d’être médiateur pour beaucoup d’êtres, mais encore de laisser derrière lui une grande école, qui déduirait de sa religion à Lui sa religion à elle, toute semblable ; il en était si certain qu’il institua des symboles pour elle, avant qu’elle existât, convaincu [304] que cela suffirait pour l’appeler à l’existence, et qu’auparavant déjà il parle, avec un enthousiasme prophétique, de ce qui se fera en elle pour éterniser les faits mémorables de sa vie. Mais il n’a jamais affirmé être l’unique objet de l’application de son idée, être le seul médiateur, et il n’a jamais confondu son école avec sa religion. Il a pu supporter qu’on laissât en suspens la question de sa dignité de médiateur, pourvu qu’on ne blasphémât pas contre l’esprit, contre le principe d’où sa religion se déroulait en lui et dans d’autres — et ses disciples étaient aussi très éloignés de cette confusion. Ils considéraient sans discussion comme des chrétiens des adeptes de Jean-Baptiste, qui ne partageait pourtant que très incomplètement l’intuition fondamentale du Christ, et les admettaient au nombre des membres actifs de la communauté. Aujourd’hui encore il devrait en être ainsi : celui qui pose cette même intuition comme base de sa religion est un chrétien, sans considération d’école, qu’il déduise historiquement sa religion[2] de lui-même ou de n’importe qui d’autre. Le Christ n’a jamais donné les intuitions et les sentiments qu’il pouvait communiquer lui-même comme contenant tout ce que devait embrasser la religion qui devait sortir de son intuition fondamentale ; il a

  1. À cette expression, qui pourrait faire penser à un idéalisme subjectif à la Fichte, B substitue celle-ci : « qui se proclame ainsi elle-même ». Dans sa note 15 de 1821, le théologien cherche à nuancer ce qu’il y a de convaincant, mais aussi de toujours discutable, dans cette affirmation du Christ, il dit en substance : la certitude qui l’inspire est nécessairement tout intérieure et par conséquent sujette à caution, mais la foi de tous ses disciples et celle de tous les martyrs qui lui ont joyeusement sacrifié leur vie est le reflet de cette certitude, et jamais sans doute l’illusion sur elle-même d’une âme individuelle n’a exercé une telle action.
  2. Cf. p. 282, la note 46.