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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/61

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animée d’un spiritualisme qui tend à élever la vie, tant sur le plan de la spéculation philosophique que sur celui de l’activité pratique, bien au-dessus du bas matérialisme et du plat égoïsme, comme d’un strict rationalisme. Elle laisse ainsi pressentir comment elle pourra, en se rapprochant du christianisme positif tel que le définira incomplètement mais avec sympathie le 5e discours, vivifier une orthodoxie figée dans des dogmes trop systématisés et dans un moralisme trop codifié. Cette vivification du christianisme, par une conception plus juste de la religion pure, est dès à présent la vocation même du protestant romantique.

TROISIÈME DISCOURS

SUR LA CULTURE DE L’ESPRIT
EN VUE DE LA RELIGION

Après avoir, dans le second discours, défini l’essence de la religion, et l’avoir trouvée dans ce qu’il appelle l’intuition de l’Univers, Schleiermacher va se demander si, et comment, on peut disposer l’homme à de semblables intuitions, si, et comment, on peut développer en lui le sens religieux.

Étant donné ce qu’est à ses yeux ce sens, celui qui permet une intuition immédiate du divin, étant donné que c’est la faculté d’un sentiment tout spontané et personnel, jailli des profondeurs de l’âme individuelle, et pur de tout élément intellectuel, la religion ne peut naturellement pas être imposée, elle ne peut même pas s’enseigner ; elle ne peut que s’exprimer, et tenter de se répandre librement. Schleiermacher dit s’y être essayé, jusqu’ici sans succès : « Quand j’ai voulu faire entendre la musique de ma religion, rien n’y a répondu », page 135.

Tous les hommes pourtant, sont doués plus ou moins de ce sens. En 1799, Schleiermacher, à vrai dire, écrit, page 136 : « Le nombre est grand de ceux à qui la religion a été refusée » ; en 1806, il corrige : « de ceux à qui il n’est pas donné de développer en eux la religion », et page 144 il déclare, dès 1799 : « La disposition à la religion est innée à l’homme comme toute autre. » À travers ces fluctuations, il insiste avec