Dans la vie de tous les jours, nous ne trouvons rien de mystérieux au fait de l’existence du Langage ; mais s’il est vrai qu’il n’y a rien de mystérieux à ce sujet, il semble étrange que les philosophes n’y aient pas prêté un peu plus d’attention et ne se soient pas (comme c’est l’affaire du philosophe) un peu plus étonnés de ce phénomène apparemment simple que nous considérons tous comme faisant partie de notre vie, au même titre que marcher, manger ou dormir, mais qui n’a pratiquement jamais été correctement compris. Toute l’histoire de la philosophie aurait pu prendre un cours très différent si l’esprit des grands penseurs avait été plus profondément impressionné par le fait remarquable qu’il existe une chose telle que le langage.
2. Expression d’un fait par un autre.
N’est-il pas étonnant qu’en entendant certains sons sortant de la bouche d’une personne, ou qu’en regardant quelques marques noires sur un bout de papier, je puisse prendre connaissance du fait qu’un volcan sur une île lointaine est entré en éruption, ou que M. Untel a été élu président de la république de Untel ? Les marques sur le bout de papier et l’éruption du volcan sont deux faits totalement distincts et différents, il n’y a apparemment aucune similitude entre eux, et pourtant la connaissance de l’un me transmet la connaissance de l’autre. Comment cela est-il possible ? Quelle relation particulière existe-t-il entre les deux ?
Nous disons qu’un fait (la disposition des petites marques noires) exprime l’autre (l’éruption du volcan), de sorte que la relation particulière entre les deux est appelée Expression. Pour comprendre le langage, nous devons étudier la nature de l’Expression. Comment certains faits peuvent-ils « parler » d’autres faits ? Tel est notre problème.
Ce n’est pas un problème difficile, je pense ; mais même la question la plus simple mérite d’être prise au sérieux, et il semble que la plupart des philosophes l’aient trouvée un peu trop facile, aient donné une réponse hâtive et n’aient donc pas réussi à acquérir une compréhension qui, comme j’espère le montrer, aurait pu éviter la plupart des malheurs de la philosophie traditionnelle.