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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/229

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En aucun cas ! Pour donner un nom à la couleur que je vois, je dois dépasser l’immédiateté de l’intuition pure, je dois réfléchir, ne serait-ce qu’un peu. Je dois reconnaître la couleur comme étant celle que l’on m’a appris à appeler « bleu ». Il s’agit d’un acte de comparaison, d’association ; appeler une chose par son nom propre est un acte intellectuel — l’acte le plus simple de l’intellect, certes — et son résultat est une véritable connaissance au sens propre du terme. La phrase « ceci est bleu » exprime une connaissance réelle, non pas explicative mais factuelle.

La simple connaissance descriptive « ceci est bleu » donne lieu à une explication remplaçant le terme « bleu » par un ensemble d’autres termes : tâche assez difficile, qui est entreprise par la physique (ou la physiologie) et aboutit à une proposition de la forme : « ce bleu est une lumière d’intensité telle — et — telle, de longueur d’onde telle — et — telle ! », et ainsi de suite (ou « ce bleu correspond à tel — et — tel processus de tel — et — tel système nerveux » ). Tout ceci confirme notre affirmation que la connaissance ne nécessite pas une réelle intimité entre le connaissant et le connu et que la connaissance la plus parfaite ne consiste pas en une union des deux. Au contraire, toute connaissance semble devenir de plus en plus complète au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’objet. Songez à la perfection de notre connaissance de la nature de la matière à l’heure actuelle — du moins par rapport aux époques antérieures — et à l’éloignement total de ce que les hommes croyaient savoir de la matière par intuition ! Si nous interrogeons le scientifique sur la nature de l’eau, il nous répond qu’elle est constituée de molécules composées de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène, que ces atomes sont constitués de protons et d’électrons en nombre et en disposition très précis, et que les protons et les électrons ne sont rien d’autre qu’une certaine façon de parler de fréquences de vibrations, et ainsi de suite, en substituant au mot « eau » d’autres termes aux significations extrêmement étranges, très éloignées de tout ce que nous connaissons directement et ne présentant aucune similitude avec les intuitions qui naissent lorsque nous sommes en contact intime avec l’eau (par exemple, lorsque nous la buvons ou que nous nous baignons). Le scientifique arrive à ses résultats de manière très détournée, et nous les acceptons comme la vraie réponse à notre question sur la nature réelle de l’eau. Pourrions-nous également accepter la réponse du métaphysicien ? Il nous dit que le résultat du scientifique ne le satisfait pas, parce qu’il donne une description de l’eau en termes d’autre chose, en la contemplant simplement