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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/242

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vision. Si les contenus « bleu » et « noir » ainsi que leurs qualités spatiales intuitives n’étaient pas là, il n’y aurait évidemment pas d’observation ; le contenu joue donc un rôle absolument essentiel. Mais maintenant l’observateur forge le fait observé en énonçant (ou en écrivant) la proposition « la ligne bleue coïncide avec la marque noire ». Il peut penser que les mots « bleu », « noir », « coïncide », etc. représentent le contenu de son champ visuel, mais après tout ce qui a été dit dans le premier exposé, nous savons que ses mots et la proposition n’expriment rien de tout cela. L’énoncé exprime la structure du fait observé de la manière que nous avons décrite précédemment à propos d’un autre exemple, mais il ne transmet pas le contenu bleu ou autre. Un autre scientifique qui entend ou lit l’énoncé doit immédiatement remplir la structure communiquée avec un contenu qui lui est propre, ou plutôt, la communication de la structure n’est même effectuée qu’en éveillant dans son esprit un contenu qui a cette structure. Des contenus surgiront dans son imagination qu’il appellera « une ligne bleue », etc. ; mais, comme nous nous en sommes convaincus il y a longtemps, nous ne pouvons pas affirmer que son contenu est au moins similaire à celui du premier observateur — une telle affirmation ne serait pas fausse, elle serait dépourvue de sens. (Si le second scientifique est aveugle et sourd, il pourra néanmoins comprendre l’énoncé du premier observateur, à condition d’avoir reçu une formation adéquate [Helen Keller], car il sera capable d’imaginer un contenu tactuel de la structure requise. Si l’affirmation de notre observateur incitait un autre scientifique à répéter l’expérience pour lui-même, à utiliser le même appareil, à regarder dans le même télescope avec les mêmes conséquences ; s’il confirmait alors l’affirmation en disant : « Oui, la ligne bleue coïncide avec la marque noire » — même dans ce cas, il serait absurde de dire qu’il a le même contenu que le premier observateur, bien que nous devions très certainement soutenir qu’ils sont tous les deux en possession de la même structure).

J’espère que l’affaire est maintenant tout à fait claire : le cadre vide d’un système hypothético-déductif doit effectivement être rempli de contenu pour devenir une science contenant des connaissances réelles, et cela se fait par l’observation (l’expérience). Mais chaque observateur remplit son propre contenu. Nous ne pouvons pas dire que tous les observateurs ont le même contenu, et nous ne pouvons pas dire qu’ils n’en ont pas — non pas parce que nous sommes ignorants, mais parce que l’une ou l’autre de ces affirmations n’aurait aucun sens.