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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/397

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de signification en ce sens qu’elle n’affirme rien, mais indique simplement une règle concernant l’usage des mots.

Nous en déduisons que T, qui est la seconde interprétation de Q, adoptée par le solipsiste et qui constitue la base de son argumentation, est strictement dépourvue de sens. Elle ne dit rien du tout, n’exprime aucune interprétation du monde ni aucun point de vue sur le monde ; elle introduit simplement une étrange façon de parler, un langage maladroit, qui attache l’indice « mon » (ou « contenu de ma conscience ») à tout, sans exception. Le solipsisme est un non-sens, car son point de départ, la situation égocentrique, n’a pas de sens.

Les mots « Je » et « ma », si nous les utilisons selon la prescription du solipsisme, sont absolument vides, de simples ornements de langage. Il n’y aurait aucune différence de sens entre les trois expressions : « je ressens ma douleur », « T ressent la douleur » et « il y a de la douleur ». Lichtenberg, merveilleux physicien et philosophe du 18e siècle, déclarait que Descartes n’avait pas le droit de commencer sa philosophie par la proposition « je pense », au lieu de dire « ça pense ». De même qu’il n’y aurait aucun sens à parler d’un cheval blanc s’il n’était pas logiquement possible qu’un cheval ne soit pas blanc, de même aucune phrase contenant les mots « Je » ou « mon » n’aurait de sens si nous ne pouvions pas les remplacer par « il » ou « sa » sans dire de bêtises. Mais une telle substitution est impossible dans une phrase qui semblerait exprimer la situation difficile égocentrique ou la philosophie solipsiste.

R et S ne sont pas des explications ou des interprétations différentes d’un certain état de choses que nous avons décrit, mais simplement des formulations verbales différentes de cette description. Il est fondamental de voir que R et S ne sont pas deux propositions, mais une seule et même proposition dans deux langues différentes. Le solipsiste, en rejetant le langage de R et en insistant sur celui de S, a adopté une terminologie qui rend Q tautologique, le transforme en T. Il a ainsi rendu impossible la vérification ou la falsification de ses propres affirmations ; il les a lui-même privées de sens. En refusant de saisir les occasions (que nous lui avons montrées) de donner un sens à l’énoncé « Je peux ressentir la douleur d’autrui », il a en même temps perdu l’occasion de donner un sens à la phrase « Je ne peux ressentir que ma propre douleur ».

Le pronom « ma » indique la possession ; on ne peut pas parler du « propriétaire » d’une douleur — ou de toute autre donnée — sauf dans les cas où le mot