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de l’Indus et même jusque dans le Gujarât, mais leur domination aussi troublée qu’éphémère (elle dura à peine vingt-cinq ans) n’a pas permis aux écrivains de ce temps-là de nous dire quelque chose d’instructif sur l’état religieux, social ou politique de l’Inde. Pour renouer la chaîne rompue des renseignements grecs, si toutefois cela peut s’appeler renouer, il faut descendre jusqu’aux relations des pèlerins chinois qui, pour étudier la doctrine buddhique et adorer les reliques du fondateur de leur religion, ont voyagé dans l’Inde du IVe au Xe siècle.

Parmi ces pèlerins, nous connaissons particulièrement Fa hien et Hiouen thsang, et cela grâce aux traductions qu’ont faites de leurs relations Abel Rémusat et Stanislas Julien. Fa hien n’avait des yeux et des oreilles que pour les faits et gestes du buddhisme ; il ne mentionne pas même les castes ; mais Hiouen thsang est assez explicite sur le sujet. Après avoir dit que « les familles de l’Inde sont divisées en plusieurs classes, et celle des brâhmanes est considérée comme la plus pure et la plus noble »[1], il y revient plus loin en donnant des détails[2]. Les brâhmanes sont pour lui « des hommes d’une vie sans tache ». Mais il y avait, pour les buddhistes, brâhmanes et brâhmanes, comme nous l’avons déjà dit, autrement toutefois que cela avait lieu aussi dans l’opinion des brâhmanes mêmes.

Aux yeux des buddhistes, les brâhmanes brâhmaniques étaient des hérétiques[3] qui ne s’occupaient que d’étudier « les vérités du siècle », des gens mondains par conséquent ; les vrais brâhmanes étaient les Çramanâs (Samanas, Samanœi) les sages, les ascètes, qui recherchaient « les vérités transcendantes ». Voici du reste tout le passage : « Les différentes familles se divisent en quatre castes. La première est celle des Po-lo-men (Brâhmanes). Ce sont des hommes d’une vie sans tache ; ils observent la vertu et pratiquent la droiture : La pureté la plus sévère est la base de leur conduite. La seconde est celle des Tsa-ti-li (Kshatriyas) ; c’est la race royale. Depuis des siècles, ils se succèdent sur le trône et s’appliquent à exercer l’humanité et la miséricorde. La troisième est celle des Fei-che (Vaiçyas) ; ce sont les marchands. Ils se livrent au négoce, et l’amour du lucre les pousse de tous côtés. La quatrième est celle des Siu-to-lo (Çûdras) ; ce sont les laboureurs… Dans ces quatre familles, la pureté ou l’impureté de la caste assigne à chacun une place séparée. Quand les hommes ou les femmes se marient, ils prennent un rang élevé ou restent dans une condition obscure, suivant la différence de leur origine. Les parents du mari ou de la femme ne peuvent se mêler ensemble par des mariages. » Hiouen thsang ne dit rien de l’origine des castes suivant la théorie brâhmanique ; cependant les Chinois n’ignoraient pas ce point, car la grande encyclopédie historique, intitu-

  1. Mémoires sur les contrées occidentales, en chinois. Si-yu-ki, I, p. 58, tr. St. Julien.
  2. Ib., I, p. 80.
  3. Ib., I, p. 287 et al.