Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/48

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Daivatam, dont l’autorité védique est considérable, explique le mot pâncajanyâh par « les quatre castes et les Nishâdas », les aborigènes attachés à la glèbe, çûdraïsés, comme nous l’avons dit déjà. Le scoliaste Auparnanyava en fait de même quant au mot pancakshitiyah[1].

N’attribuons toutefois pas plus de valeur à l’autorité de ces scoliastes qu’il ne convient. Rappelons-nous qu’ils représentent essentiellement, de même que Sâyana, le principal commentateur du Rig-Veda, l’esprit de la tradition de leur caste, la caste brâhmanique, un esprit qui a faussé et embrouillé, dans un intérêt d’ambition cléricale, l’histoire de l’Inde ancienne tout entière. Il fait bon pêcher en eau trouble. Aussi peut-on, sans rien risquer, se ranger à l’avis de Lassen qui déclare que les explications précitées sont inadmissibles. Les mots auxquels ces scolies se rapportent désignent, nous le verrons tout à l’heure, une division sociale bien différente de celle des castes, mais dont les Indiens de l’âge du brâhmanisme cristallisé, avaient sinon tout à fait perdu le souvenir, du moins le sens et l’intelligence. Et ce qui vient à l’appui de cette manière de voir, c’est que « chaque caste se regarde elle-même sans savoir précisément pourquoi comme un peuple distinct et que souvent des chefs de caste sont appelés deçâdi, chef du pays[2]. « Si l’on veut apprendre quelque chose là-dessus des membres de ces castes mêmes, on s’expose à recueillir bien des erreurs et des préjugés[3]. »

Disons-le donc sans retard : le mot pâncajâna désigne une distribution du peuple védique en cinq tribus ou clans, analogue à la division des Grecs en Ioniens, Achéens, Doriens, Hellènes, etc. ; à celle aussi du peuple allemand en Saxons, Francs, Souabes, Hessois et Bavarois ; puis, des Celtes gaulois en Éduens, Arvernes, Séquanes. Bataves, etc. Mais Lassen, en rejetant l’autorité des scolies, tombe lui-même dans l’erreur, en prenant le mot jana avec le sens usuel de famille, et disant probable que la plus ancienne commune du peuple aryen ne consiste qu’en cinq familles : es scheint wahrscheinlish, dass die älteste Volksgemeinde nur aus fünf Familien bestand.

Credat Apella l Des communes de 25 ou 30 personnes, alors que les Aryas n’avaient pas encore achevé l’œuvre de la conquête. Comment avec l’éparpillement communal que cela suppose, auraient-ils pu venir à bout de vaincre et de soumettre une population dense et compacte que le Rig-Veda nous dépeint comme très guerrière et très vaillante ?

Mais laissons cela, quitte à y revenir, et voyons comment Lassen explique l’origine des castes. Il l’explique par la direction nouvelle que la vie publique des Aryas a dû prendre sur un sol nouvellement con-

  1. V. le Nirukta de Yâska, III, 8, p. 55, éd. Roth. Cf. Rosen, Rig-Veda-Sanhita, Adnotationes, p. XXV, ad hym. VII, 9 (p. 11) ; cf. CXVII, 3 (p. 247).
  2. Vinson, Les Castes du sud de l’Inde, p. 117. Revue orient., t. I, 2e série.
  3. Soltykoff, Voy. dans l’Inde, I, 110, 2e éd. Cf. Niebuhr, ouvr. c., II, 14.