Page:Schoebel - Inde française, l’histoire des origines et du développement des castes de l’Inde.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voici le signe caractéristique du çûdra, (signe) inconnu aux deux-fois nés : le çûdra se plaît à être çûdra, tandis (que) le brâhmane ne (se plaît) pas (à être) brâhmane[1].

Voilà, certes, un morceau curieux sous plusieurs rapports et plus d’une fois nous aurons à y revenir. Pour le moment, continuons nos extraits par le Harivança.

Suivant le Harivança, qui forme la xixe et dernière partie de l’interminable Mahâbhârata, les beaux brahmanes proviennent d’un élément inaltérable et le kshatriya est sorti d’une substance fluide. Le vaiçya est un être altéré et le çûdra n’est qu’une forme de la fumée. Lorsque Vishnu considéra les varnas, les brâhmanes se trouvèrent façonnés en blanc, en rouge, en jaune et en noir. Par suite, les créatures acquirent dans le monde l’état de caste sous quatre formes : brâhmanes, kshatriyas, vaiçya et çûdras. Êtres d’un seul et unique type (ekalingâh) et bipèdes (dvipâdâh), mais de devoirs différents, admirables d’organisation, pleins d’énergie, ils suivirent étroitement, dans toutes leurs œuvres, la voie native[2].

Ailleurs, le Harivança exploite la théorie génésiaque des quatre castes au profit de la seule caste brâhmanique, en mettant à contribution, pour les fonctions sacerdotales, qui sont au nombre de seize[3], tous les membres du dieu. Ainsi le brâhmane en chef, l’udgâtâr et le chantre du Sâma sortent de sa bouche, le hotar et l’adhvaryu de ses bras, le pratihartâr et le potâr de son ventre, l’adhyâpaka et le neshtar de ses cuisses, le prastotâr, le sâmitra, etc., de son dos, le grâvan et l’unnetar de ses pieds, etc.[4] :

On le voit, la genèse théologique des castes a fait, on peut le dire, fureur chez les Indiens lettrés ; elle déborde. En voici encore une que donnent à la fois, à quelques variantes près, les brâhmanas du Rig, du Yajur et du Sâma, à savoir l’Aitareya, le Çatapatha et le Pancavinça nommé aussi Tândya et Pradha[5] :

« Prajâpati, éprouvant le désir de produire, émit de sa bouche le brâhmane accompagné de (l’hymne appelé) trivrit, d’Agni, de la (mesure rythmique) gâyatri, du Sâma rathantaram (ou, au choix, du printemps, vasanta), du bouc. C’est pourquoi les brâhmanes tiennent le

  1. C’est-à-dire que sa nature généreuse lui crie comme à saint Paul : Excelsior ! sa vai çûdro bhavec chûdrô brâhmano brâhmano na ca. (Çântip., lect. 188, çl. 6930-6957 ; III, p. 609, sq.)
  2. Aksharâd brâhmanah saumyâh kshrâd kshattriyabândhavâh vaiçya vikârataç caiva dharmavikâtarah, çvetalohitakair varnaih nîtaiç nîlaiç ca brâhmanâh etc. (Khilaharivançaparva, lect. 211, çl. 11816 sqq. ; IV, p. 848).
  3. Podaçaitân ritvitjo. (Hariv., 200, 11364).
  4. Brahmânam paramam vattrâd udgâtâran ca sâmagam, etc. (Ib., çl. 11360 sqq. ; IV, p. 833.
  5. Cette diversité de noms d’un seul et même document, si fréquente dans la littérature sacrée, est comme une épée à plusieurs pointes sur lesquelles plus d’un sanscritiste s’enferre, sans qu’il s’en doute.