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toutefois évident de soi qu’un fait social de l’importance du régime des castes doit avoir ses racines dans les origines mêmes de la nation, et que par là, au moins, le système est historique au sens propre du mot.

Il faut néanmoins élucider la chose, c’est le point capital de ce Mémoire. Reprenant donc la thèse ab ovo, en remontant aussi loin que possible, nous allons, dans la troisième partie de nos recherches, grouper πρὸς τὸ ἀκριϐές, les témoignages qui permettent de se représenter ce qu’a pu être en réalité la caste aux différentes époques du passé de l’Inde.


TROISIÈME PARTIE


Avant tout, et pour éviter des malentendus faciles sur une dénomination appliquée, suivant les époques et les peuples, à des états sociaux fort divers, précisons ce que, dans le milieu indien, on comprend par caste. Qu’est-ce que la caste indienne ?

La caste indienne est un régime religieux et social de distribution des hommes en classes qui, pour n’être pas hermétiquement fermées, sont cependant, en principe, régies et gouvernées par la fatalité de la naissance, — par une loi d’hérédité qui statue, que le père produit toujours un fils qui lui est identique tant pour le tempérament physique et moral que pour la position civile et sociale. C’est ce que les codes, tant particuliers que publics, constatent quand ils disent : « Ô fils, tu es moi, membre pour membre, tu es mon moi-même[1], » et « Le mari naît dans son épouse une seconde fois : yad asyân jâyate punah[2].

D’après cela, il est clair que l’Indien doit vivre et mourir dans la caste où il est né, et que le prosélytisme est, eo ipso, impossible[3]. Toutefois, l’immobilisation de l’individu n’est pas absolue. En effet, outre qu’on sort de sa caste excommunié, vrâtya[4], et qu’on y rentre pénitent, vrata, on peut encore passer d’une caste à une autre plus élevée, soit par adoption, soit par un acte de vertu suréminent, soit enfin par le mérite d’une grande culture poétique ou littéraire. Issu d’une série de mariages disposés d’une certaine manière, un homme d’origine çûdraïque peut même devenir brâhmane, j’ai déjà eu occasion de le remarquer, et, quant aux autres cas, nous rappelons Viçvâmitra adoptant Çunahçepa en lui disant : « Prends possession de mon divin héritage[5] », et forçant

  1. Grihyasûtra de Pàraskara, I, 18, 2 ; Grihy. d’Açvalâyana, I, 15, 9.
  2. Mânavadh., IX, 8, 9.
  3. It is a principle peculiar to the Hindoo religion, not to admit of proselytes. (Alex. Dow, The History of Hindostan, I, p. XXXIV ; 1770).
  4. À Java, ceux qui ont négligé de se faire recevoir dvija, sont réputés vrâtjas et deviennent kahulas esclaves. (Friederich, Mém. de la Soc. de Batavia, XXIII, 23).
  5. Upeyâ daivam me dâyam tena. (Aitareya Brâhmana ; VIII, 17 ; p. 183, éd. Haug).