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l’origine aryenne du çûdra. Le Çatapathabrâhmana, quelque mal qu’il en dise, le place formellement sur le même rang que l’Arya[1] et Manu, bien qu’il consacre l’état de servitude du çûdra, lui donne néanmoins pour ancêtre… qui ? on ne le devinerait jamais… le grand rishi Vasishtha[2]. C’est là évidemment une de ces contradictions dont le code brahmanique abonde, mais ce qui n’en est pas, c’est la déclaration du même code que le çûdra est digne d’estime, anasûya[3], et que le brâhmane qui l’outrage est condamnable[4]. On ne pouvait moins faire pour un être que le Véda avait déjà placé sous la protection d’un dieu spécial, le dieu Pûshan, la personnification de la terre, de cette terre que les brâhmanes même invoquaient en disant : « Que Pûshan nous protège contre le malheur ! pushâ nah pâtu duritât[5]. Les Romains pensaient de même. Brutus (l’ancien) baisa la terre, la regardant comme la mère de tous les hommes[6].

Nous l’avons déjà dit, mais rappelons-le : La raison probable de l’exclusion du Çûdra de la communauté rituélique des dvijas et de sa relégation dans la servitude de la quatrième et dernière caste est, parce que lui le premier arrivant dans le pays de l’indus s’étant fixé dans le bassin de ce fleuve faute de pouvoir pénétrer au-delà, avait été conquis et soumis par ses congénères survenants dans la suite des temps et entraînant à leur suite le pauvre riverain aryen pêle-mêle avec une foule d’aborigènes, les dâsas ou dasyus proprement dits, dans les plaines du Yamuna et du Gange. Arrivé là, et l’État védique se trouvant constitué ab antiquo sur la base de trois éléments représentés par le râjâ, le ritvij et la viç, le Çûdra n’a pu trouver d’autre situation que celle du serf. C’était son destin, car le Véda déclare qu’ « Indra a placé la classe des dâsas dans une obscure infériorité » : yo dâsan varnam adharan guhâkah[7]. On n’est pas plus ingénieux, mais on sait que les prêtres sont coutumiers du fait. C’est en conséquence donc que le Véda prie pour la prospérité seulement du brahman, du kshatra et de la viç[8], mais cela non plus n’est un argument pour l’existence des castes dans la Véda, sauf toujours le fameux hymne à Purusha… effrontément intercalé.

Ah ! si, comme le veut le bon père Sayana, le passage : « viçve devâ aditih panca janâh[9], Aditi est tous les dieux et les cinq familles, » désigne par ces cinq familles les quatre castes et les Nishâdas, les clas-

  1. Çatap. br., VIII, 4, 3, 1 ; p. 665, éd. Weber.
  2. Mân., III, 198.
  3. Mânav., I, 91.
  4. Ib. VIII, 268.
  5. R. V., VI, 75, 10 (IV, 896).
  6. νομίσας αὐτὴν τὴν γῆν μητέρα ἁπάντῶν ἀνθρώπον εἶναι. (Dion Cassius, Fragm. XXIV).
  7. R. V., II, 12, 4 (II, 469).
  8. Brahma jinvatama… (R. V., VIII 35, 16 sqq. (IV, 588).
  9. R. V., I, 89, 10 (I, 720).