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réelle, le serpent abrite dans la légende le corps du Tathâgata contre le froid et le réchauffé (1), puis le croissant de la lune, comme symbole du changement perpétuel des choses, jouent un rôle considérable ; nous tenons sans doute aussi la forme que la religion anarienne avait avant qu’elle ne fût réformée par Çâkyabuddha et par Laotse. Cette situation est dans la nature des évolutions abandonnées à leur propre mouvement. La réversion de l’atavisme, le rückschlag, le coup en arrière, pour employer le terme si expressif des Allemands, est inévitable dans les choses créées par la culture, dès que le mouvement en avant s’égare ou s’arrête. Alors l’état de nature primitif ne tarde pas à revendiquer tous ses droits, et même il tend à s’approprier les créations qui ne sont pas d’origine les siennes, mais qui se trouvent dans le rayon de son action. Ainsi, tandis que d’un côté, nous voyons la croyance aux esprits et aux dragons, aux yakshas et aux nâgas, s’établir ou se rétablir dans le buddhisme, à mesure que prévalent les doctrines relâchées du Grand-Véhicule (2), de telle sorte que, pour le rappeler, la personne de Çâkyabuddha elle-même est mise en rapport avec les serpents auxquels il est censé aussi prêcher sa doctrine (3) et que les artistes buddiques associent le reptile aux œuvres préférées de leur ciseau (4) ; de l’autre, nous constatons que la vieille religion lunaire anarienne met hardiment sa griffe sur les religions ariennes, essentiellement solaires. Dans l’Inde cet empiètement s’est fait sur le brahmanisme et y a produit le çivaïsme, religion hybride où le serpent, entièrement inconnu comme réalité zoologique aux doctrines védiques, apparaît partout au premier plan, de même que le croissant de la lune surmonte la tête de Çiva, tandis que le soleil,

(1) Lalita vistara, XXIV. — Sur les Nâgas et leurs rapports avec le buddhisme ; il faut lire la note d’A. Rémusat dans Foe koue ki, p. 161 sqq.

(2) Hiouen thsang, p. 86, 90, 95, 191.

(3) Foe koue ki, XVII.

(4) V. Th. Pavie, Mythe du Serpent chez les Hindous dans le Journ. as., juin 1855.