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et de placer sa personne dans la gloire démiurgique, ne lui avait donné, par sa fécondité, qu’autant de témoins de sa faiblesse et de son abaissement. C’est le comble de la misère, remarque Goethe, quand la honte s’unit au dommage. L’acte qui l’avait rendue mère devait donc laisser à Ève un sentiment ineffaçable d’humiliation et d’avilissement ; la sensation qu’elle en éprouvait devait être comme si on lui avait craché à la figure ou in sinum, et ainsi elle n’eut garde, plus encore que son complice, de montrer désormais au grand jour l’organe qui avait été l’instrument de sa déception. La légende ne dit pas si elle se voilait aussi le visage avec ses cheveux ou autrement, mais saint Paul supplée à ce silence en affirmant que la chevelure a été donnée à la femme comme un voile qui la doit couvrir[1]. Il se peut, en effet, que l’habitude des femmes de porter un voile et, comme en Orient, d’y ensevelir leur figure, usage que les jeunes épousées conservent encore dans notre libre Occident, tient par une réminiscence obscure à la honte qui couvrit la mère de notre race. S’il n’y avait pas une raison de ce genre, pourquoi encore la vierge, qui est sur le point de devenir épouse, est-elle saisie d’une indicible tristesse ? pourquoi rougit-elle et son visage se trouve-t-il inondé de larmes ? Ce n’est certainement pas par pure sentimentalité, car le fait n’est pas signalé seulement chez les Allemands[2], mais aussi chez les Indiens, tant anciens[3] que modernes, principalement chez les Kaller, cette caste inférieure qui

  1. Quoniam capilli pro velamine ei dati sunt. (I Corinth., XI, 15.)
  2. Zeitschrift für D. Alterthum, XVII, p. 576.
  3. V. Atharva-Véda, XIV, 2, çl. 60.