Page:Schoebel - Le Mythe de la femme et du serpent.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’exagérer le sentiment du moi, et l’homme mit à s’adorer lui-même une obstination maladive qui a abouti à pervertir toutes les religions. Ce n’est pas Dieu, l’Être pur et simple, qu’on y adore, c’est une divinité créée à notre image et ressemblance, c’est l’homme avec toutes ses passions. Et, quant à la femme, en dépit de tout le mal qu’on ne se lasse de dire d’elle, depuis Manou[1], elle conserve chez tous les peuples de notre race le prestige et les allures d’un être supérieur ; elle est Hélène ou Marie ; elle est déesse chez les anciens comme chez les modernes[2]. Tacite remarque des femmes germaines qu’elles avaient, aux yeux de leurs compatriotes, quelque chose de saint et de prophétique. Velléda était honorée comme une divinité : numinis loco habitam[3], et les

  1. « Manu, dit le texte (IX, 17), a donné en partage aux femmes l’amour du lit et de la parure, la concupiscence, la colère, les mauvais penchants, le désir de mal faire et la perversité. » Proudhon n’a pas mieux dit. Cf. Spence Hardy, Eastern monachism, 140 : « Toute femme ayant une bonne occasion, dit le Buddha, fera ce qui est mal. »
  2. Les mystiques rivalisent ici avec les poètes et les dépassent. D’après eux, Marie est la femme de Dieu, sin wîp (Grazer Marienleben, dans Zeitsch. f. D. A. XVII, p. 546) ; elle est mère par indivis de celui dont l’Éternel est éternellement le Père ; elle peut toujours dire comme Dieu à leur commun fils : Ego hodie genui te ; elle est mulier amicia sole ; elle complète la Trinité et ne la représente pas seulement (ce qui serait déjà fort joli) ; enfin elle a procuré au Père, au Fils et au Saint-Esprit une gloire qu’ils n’avaient pas. (V. Aug, Nicolas, La Vierge Marie, p. 336, 344, 368, 370, 376, édit. 1856.) Ce sont là des imaginations d’un particulier, dira-t-on ; l’Église ne connaît pas cette doctrine impossible. Mais si vraiment, elle la connaît, et de plus elle la consacre. Il y a au Vatican deux tableaux faits par ordre du pape Pie IX, où la Vierge occupe la place de Dieu le Père, qui lui-même avec le Fils est relégué au second rang. (Max Schlesinger, Gazette de Cologne, 2 janvier 1876.)
  3. Tacitus, Germania, VIII.