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état fragmentaire est d’ailleurs propre à toutes les légendes primitives, et il n’a pas nui à la popularité des mythes phalliques ; il a, au contraire, favorisé cette popularité en ce qu’il a augmenté le mystérieux qui s’y rattache. Or, le peuple n’aime rien tant que le mystère. On sait la ténacité avec laquelle les Grecs, d’ailleurs sceptiques et moqueurs[1], tenaient aux mystères religieux, et la fureur qu’excita chez les Athéniens la mutilation dont tous les hermès, sauf un seul, devinrent un jour victimes chez eux[2]. Ces hermès n’étaient autre chose que des simulacres phalliques, ou du moins c’était là leur caractère essentiel[3]. Souvent ce n’étaient que des pieux équarris ; un gros bâton, truncus ligni, fiché dans le sol, suffisait aussi pour en faire l’office. Bâton ou colonne est au surplus le sens originaire des mots ἑρμῆς et φαλλός. Grimm signale l’irmansûl germanique[4], et cela avec d’autant plus de raison que chez le peuple congénère des Indiens, le lingam, primitivement toujours en bois, affecte souvent la forme d’une colonne fort élevée. Je ne sais si l’exclamation de vanaspate ! ô maître pilon (ou ô grand bois) ! qu’on lit dans un passage passionnel de l’Atharva-Véda[5],

  1. On l’a dit aussi des Romains, mais à tort, la moquerie des Romains étant purement politique.
  2. V. Plutarch., Alcibiades, XXII ; Nicias, XVIII ; Thucydide, VI, 27, 53 ; Andocide, Discours sur les mystères, p. 109 sqq., tr. Auger.
  3. Preller, Griech. Myth., I, 241 ; Nork, Myth. Realwörterbuch, IV, 33. V. l’image d’un hermès ithyphalle, ap. Laur. Beger, Thesaurus Brandenburgici Numismat. Rom., tab. ad p. 427, et sur une amphore chez Gerhard, Auserlesene griech. Vasenbilder, IV, pl. cclxxvi. Cf. une épigramme sur un hermès mutilé, dans Archäol. Zeitschrift, XXI, col. 16.
  4. J. Grimm, Deutsche Mythologie, p. 106 sq., 2e édit.
  5. Atharva-Véda, XIV, 2, 50 : « Tout mon corps tremble… ô Vanaspate, offre-le avec ta pointe. »