Aller au contenu

Page:Schoebel - Le Mythe de la femme et du serpent.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 50 —

et à la vie morale. Le jardin ou enclos planté par le démiurge Elohim, la personnification des fonctions souveraines de la nature, φύσεως ὑπόστασις, comme Métrodore, disciple de Démocrite et d’Anaxagore, l’a le premier reconnu pour les dieux en général[1], l’enclos paradisiaque est l’image de la créature humaine (dans cet âge où elle n’avait encore rien fait de conscient, où aucun acte réfléchi ne l’avait déjà révélée à elle-même, et où, par conséquent, toutes les conditions favorables à la culture de son être subsistaient en leur intégrité native. L’homme était encore tout nature ; nature supérieure aux autres créatures, il était tout paradis, un clos privilégié dans un lieu de délices, gan be eden[2]. Il était en si parfaite unisson avec le milieu qui l’avait produit, qu’il s’y trouvait comme l’enfant dans le sein de sa mère. Il y respirait (nous reviendrons sur ce point) par l’arbre de vie planté dans le centre du jardin ou du clos organique, et de son corps sortaient, semblables à quatre fleuves, les quatre grands membres dont des besoins incessants lui imposaient le constant usage. Mais au milieu de la créature paradisiaque s’élevait, différent de l’arbre de vie, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, hetz ha dahath tôb wa rach, arbre qui n’est autre que l’organe de la génération.

La figure n’est pas insolite. Un arbre représente dans beaucoup de mythes l’éclair, le carreau ou le coin de foudre, Donnerkeil, qui tombe dans le sein de la femme

  1. Tatiani Oratio ad Græcos, XXXVII, Oxoniæ, 1700, p. 80.
  2. Genèse, II, 8. On confond habituellement le paradis avec l’Éden ; mais le texte montre que ce sont deux choses différentes. Le paradis est dans l’Éden.