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Page:Schoebel - Le Naturalisme du Rig-Veda et son influence sur la sur la société indienne.djvu/15

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de ce genre, qui existent dans le brahmanisme, n’y ont pris place que dans un Age postérieur, lorsque le pur védisme n’exista plus, c’est-à-dire lorsque les traditions consignées dans les livres anté-bibliques eurent, par le contact des peuples, commencé à reprendre leur cours et à raviver dans la mémoire des Aryas le souvenir effacé des choses primordiales. Qu’on lise, par exemple, l’hymne 10 de la VIIe lecture du VIIIe livre, et on se convaincra que l’esprit qui a dicté les autres hymnes ne pourrait pas en concevoir un comme celui-ci ; évidemment c’est comme un chapitre de notre Genèse. Et que penser de l’hymne à la Parole (VIII, VII, VI), sinon qu’il est l’expression d’un ordre de choses tout autre que celui qui a engendré les invocations à la nature ? C’est encore le produit d’un Age postérieur, l’Age bràhmanique.

Quant aux foutes dont on parle dans les textes précités et ailleurs, elles sont synonymes, non de ce que nous entendons par péché, dans le sens révélé, mais de maladresse, de mauvaise chance ou d’infériorité physique. « Purifie notre fortune, ô Agni[1] ! c’est-à-dire rétablis-la ; donne-nous la force et l’habileté, afin que nous puissions obtenir la victoire[2]. » La demande d’être préservé des imprécations a encore pour but l’obtention de la prospérité matérielle, et jamais le sens moral que nous attachons au mot de malédiction ne fut connu dans la religion védique, ni même, je crois, dans la religion brâhmanique. Partout on y parle de l’effet matériel de ces imprécations ; nulle part, que je sache, il n’est question d’effet moral. Manou, en avertissant de ne pas irriter un brâhmane, dit : « Qui pourrait ne pas être détruit après avoir provoqué la colère de ceux par les malédictions desquels Agni a été condamné à tout dévorer, l’Océan à rouler des eaux amères, et la lune à voir successivement s’éteindre et se ranimer sa lumière[3] ? » Il me serait facile de citer un grand nombre d’exemples de ces imprécations toujours suivies de la seule dégradation physique. Mais avec ce texte de Manou, déjà si concluant, il suffira d’un seul, et le lecteur le trouvera dans la légende

    jamais les bêtes n’en ont eu et n’en auront. La doctrine de la perfectibilité pourra bien produire des animaux savants, mais jamais des animaux consciencieux.

  1. Rig-Véda, iv, vii, iii.
  2. Rig-Véda, iv, vii, iii.
  3. Lois de Manou, l. ix, 314, trad. Loiseleur Deslongchamps.