Aller au contenu

Page:Schoebel - Le Naturalisme du Rig-Veda et son influence sur la sur la société indienne.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 10 —

qui termine cet aperçu. Il y verra que l’effet moral de la malédiction est tellement inconnu aux Hindous, qu’ils continuent à appeler a très-heureux » les maudits eux-mêmes.

Maintenant, pour ce qui est des eaux qui emportent le crime et le mal, on aurait tort de se figurer que ce fussent les eaux spirituelles des larmes ou du repentir. Ce sont tout simplement les eaux de quelque fontaine ou étang, et cela donne la mesure du sens des mots crime et péché. Encore aujourd’hui, après avoir fait, pendant tant de siècles, de la métaphysique transcendantale, les Hindous, du moins dans la généralité, n’attachent au mot péché aucune idée bien distincte de souillure morale ; c’est toujours plutôt une souillure matérielle qu’une ablution ou quelque autre pratique extérieure suffit pour effacer. Aujourd’hui, comme aux temps védiques, ils pensent que « dans les eaux sont tous les remèdes, que les eaux guérissent tous les maux[1]. » Et il n’y a ici aucun sens symbolique ; c’est à la lettre. Seulement (et ceci vient encore à l’appui de ma thèse) il faut que l’eau dont ils se servent ne soit touchée par aucun homme qui n’ait pas de caste, par un paria, et les mahométans comme les chrétiens sont de cette race impure. Après cela, elle peut être d’une saleté horrible, ressembler, comme l’a observé Jacquemont[2], à la vase liquide et empestée d’un cloaque ; n’importe, ils la boivent avec délice et elle enlève du premier coup tous les péchés. Et comme si les eaux que leur offrent les mares n’étaient pas suffisamment immondes, ils s’en fabriquent une spéciale où l’urine de vache entre pour une notable partie ; ils l’appellent pantcha-gavya[3], et elle efface, comme une éponge, les crimes les plus noirs, excepté pourtant le meurtre d’une vache[4].

Quant à la libation qui sent le péché, c’est ou un sacrifice parcimonieux, insuffisant pour « désaltérera le dieu qu’il doit « enivrer[5], »

  1. Rig-Véda, i, ii, iv.
  2. Jacq., Journ., iii, 441, 447 seq.
  3. Dubois, Mœurs et inst. de l’Inde, i, 43, 44. Ce mot veut dire : les cinq choses bovines, c’est-à-dire qui viennent du corps de la vache : lait, caillé, beurre, fiente, urine. Jacq., Journ., ii, 458.
  4. Voy. Jacq., Journ., ii, 459. Dubois, ouvr. cit., i, 43, 44, 292.
  5. Parmi les passages sans nombre où il est parlé d’enivrer les dieux, ainsi que de leur ivresse, remarquons celui-ci, à cause de l’image : « Dans l’ivresse du Sôma,