Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/144

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grand esprit d’une nation a fait d’une chose l’étude capitale de sa vie, comme Gœthe de la théorie des couleurs, et que cette chose ne rencontre pas l’approbation, il est du devoir des gouvernements, qui salarient des Académies, de charger celles-ci de faire examiner la chose par une commission ; c’est ce qui arrive en France pour des cas infiniment moins importants. Ou bien, à quoi serviraient ces Académies, qui affichent tant d’orgueil, et où siègent néanmoins tant de vaniteux imbéciles ? Des vérités nouvelles et importantes, il est rare qu’elles en trouvent ; elles devraient donc être au moins capables de juger des travaux très sérieux, et être forcées d’en parler ex officio. En attendant, M. Link, membre de l’Académie de Berlin, nous a donné un échantillon de sa vigueur de jugement académique dans ses Propylées de l’histoire naturelle, t. I, 1836. Convaincu a priori que son collègue d’Université Hegel est un grand philosophe, et que la théorie des couleurs de Gœthe est un bousillage, il les rapproche ainsi tous deux (p. 47) : « Hegel s’épuise dans les sorties les plus immodérées, quand il s’agit de Newton, peut-être par condescendance — une vilaine chose mérite un vilain nom — pour Gœthe ». Ainsi, ce M. Link a l’aplomb de parler de la condescendance d’un misérable charlatan envers le plus grand esprit de la nation ! Je transcris, comme échantillons de sa vigueur de jugement et de son outrecuidance ridicule, les passages suivants du même livre, qui éclairent le précédent : « Hegel dépasse en profondeur tous ses prédécesseurs ; on peut dire que leur philosophie disparaît devant la sienne » (p. 32). Et notre critique termine ainsi son exposé de la misérable arle-