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Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/18

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PRÉFACE DU TRADUCTEUR


Quand Schopenhauer publia, en 1819, dans sa trente et unième année, son Monde comme volonté et comme représentation, cette grande œuvre apparut comme mort-née. Son éditeur F.-A. Brockhaus lui écrivait à ce sujet : « Je crains de n’avoir imprimé que de la maculature ; puissé-je me tromper ! » Appréhension qui n’était que trop justifiée. Sans parler des idées du livre, de nature à étonner le lecteur d’alors, le détestable papier et le format incommode de ce livre — un lourd volume in-quarto de 742 pages — contribuèrent sans doute aussi, même auprès des Allemands, qui depuis se sont faits plus légers, à son complet insuccès. Gœthe seul, qui s’intéressait à tous les courants d’idées nouveaux, et qui avait déjà jugé avec faveur la thèse du fils de sa vieille amie de Weimar sur La quadruple racine du principe de la raison suffisante[1], fut peut-être son unique lecteur attentif et clairvoyant.

« Gœthe a reçu ton ouvrage avec une grande joie, lui écrivait alors sa sœur Adèle ; il a partagé aussitôt l’épais volume en deux parties, et a commencé immédiatement à lire. Au bout d’une heure il m’a envoyé le billet ci-joint (où il signalait certains passages), et m’a fait dire qu’il te remer-

  1. « J’ai trouvé dans le jeune Schopenhauer un homme remarquable et intéressant. Il a juré de faire échec à tous nos philosophes actuels. Il faudra voir si ces messieurs voudront l’admettre dans leur corporation. Pour moi, je lui trouve de l’esprit ; le reste ne me regarde pas ». (Lettre à Knebel, 24 novembre 1813).