Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

venu du dehors par l’expérience, la conversation et un peu de lecture.

C’est ce que fait aussi, mais sur une plus large échelle, le penseur scientifique. Quoiqu’il ait besoin de beaucoup de connaissances et doive, par conséquent, lire beaucoup, son esprit est néanmoins assez fort pour dominer tout cela, pour se l’assimiler, pour l’incorporer au système de ses pensées, et pour le subordonner ainsi à l’ensemble organique de ses vues grandioses, toujours en train de se développer. En ceci son penser personnel, comme la basse fondamentale de l’orgue, domine constamment toute chose et n’est jamais étouffé par des tons étrangers, comme c’est au contraire le cas pour les cerveaux simplement polyhistoriques, dans lesquels des espèces de lambeaux musicaux à toutes les clefs se mêlent confusément, ce qui empêche d’entendre la note fondamentale.

Les gens qui ont passé leur vie à lire et ont puisé leur sagesse dans les livres, ressemblent à ceux qui ont acquis, par de nombreuses descriptions de voyages, la connaissance exacte d’un pays. Ils peuvent donner beaucoup de renseignements sur lui ; mais, en réalité, ils n’ont aucune connaissance suivie, claire et fondamentale, de la vraie nature dudit pays. Les gens, au contraire, qui ont passé leur vie à penser, ressemblent à ceux qui ont été eux-mêmes dans ce pays ; eux seuls savent exactement ce dont ils parlent, y connaissent les choses dans leur connexion, et y sont véritablement chez eux.

Le philosophe qui puise ses idées dans les livres est