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Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/34

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l’opposé de celle-là, elle évite la complexité de la syntaxe et la subordination trop prolongée des idées les unes aux autres. Voilà une des raisons pour lesquelles une traduction de l’allemand en français ne peut jamais être forcément qu’un à peu près : le génie des deux langues est en quelque sorte contradictoire.

Pour en finir avec Schopenhauer écrivain, citons encore l’appréciation de Karl Hillebrand, qui fut lui-même un styliste très distingué. « La propriété de l’expression, l’abondance des belles métaphores, l’ordonnance et la subordination transparentes des pensées, la facilité et la correction de la construction, la couleur et la vie de ce style sont une chose presque unique dans notre littérature. Rien de pédantesque, pas de rhétorique ni de négligence, nulle maigreur ni nulle farcissure inutile ; derrière chaque mot une pensée, et cette pensée est aussi originale que le mot. Schopenhauer est attrayant, suggestif au plus haut degré, et c’est là l’éloge suprême d’un écrivain. » Et, après l’avoir rapproché de Montaigne, ce qu’avait fait aussi Nietzsche, le critique ne lui trouve qu’un égal dans la littérature universelle : Blaise Pascal. Nous citons, nous n’apprécions pas.

Que chacun juge Schopenhauer d’une façon très différente, suivant la tendance de son tempérament et son genre de mentalité, cela est tout naturel ; mais ce qu’on ne peut lui refuser, c’est la puissance de la pensée et l’originalité entière de l’esprit. Même détachées de l’ensemble de son système, ses observations sur les hommes et les choses — caractères et motifs de nos actes, passions, destinée, science, art, État, religion, problèmes posés par la vie et par la mort — constitueront toujours un des trésors de l’humanité pensante. « Ses défauts, dit un philosophe anglais, sont tous dus au fait que son intellect, ses sentiments, sa volonté étaient développés à un degré tellement inhabituel, qu’ils ne purent s’harmoniser entre eux. Schopenhauer est un Titan aux prises avec le problème de la vie[1]. » Partout ici-bas où s’agite une âme inquiète, anxieuse d’élucider le dou-

  1. William Caldwell, Schopenhauer’s System in its philosophical Significance, p. 523.