Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/62

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L’homme qui publie et édite les méchancetés d’un critique anonyme doit être rendu aussi directement responsable que s’il les avait écrites. C’est ainsi qu’on s’en prend à un patron du mauvais travail de ses ouvriers. Et il faut, en outre, agir avec ce drôle comme son industrie le mérite : sans aucune cérémonie.

L’anonymat est une gredinerie littéraire à laquelle il faut aussitôt crier : « Si tu ne veux pas, coquin, endosser ce que tu dis contre les autres, alors tais ta langue de vipère ! »

Une critique anonyme n’a pas plus d’autorité qu’une lettre anonyme, et devrait par conséquent être accueillie avec la même méfiance que celle-ci. Ou bien acceptera-t-on le nom de l’homme qui se prête à présider une société anonyme de ce genre, comme un gage de la véracité de ses associés ?

Le peu d’honnêteté qui règne parmi les écrivains se manifeste par le manque de conscience avec lequel ils faussent leurs citations des écrits d’autrui. Je trouve des endroits de mes écrits cités en général faussement, et seuls mes partisans les plus déclarés font ici exception. Souvent la falsification provient de négligence, en ce qu’ayant déjà sous la plume leurs expressions et leurs tournures triviales et banales, ils les transcrivent par habitude. Parfois elle provient d’une fatuité qui prétend me corriger. Mais trop souvent elle est préméditée, et alors elle constitue une vile infamie et un tour de coquin comparable au faux monnayage, qui enlève à jamais à son auteur le caractère d’un honnête homme.

Le style est la physionomie de l’esprit. Celle-ci est