Page:Schopenhauer - Écrivains et Style, 1905, trad. Dietrich.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais savoir si l’on veut dire une chose, ou non. C’est l’indécision de l’expression qui rend les écrivains allemand si insupportables. Il n’y a d’exception que dans les cas où, pour une raison quelconque, on a quelque chose d’illicite à dire.

Toute exagération produit généralement le contraire du but proposé. Ainsi, les mots servent à rendre saisissables les idées ; mais seulement aussi jusqu’à un certain point. Entassés au delà de ce point, ils rendent toujours plus obscures les idées à communiquer. S’arrêter au point juste, c’est la tâche du style et l’affaire du jugement ; car chaque mot superflu va juste contre son but. Voltaire dit dans ce sens : « L’adjectif est l’ennemi du substantif ». Mais, en vérité, beaucoup d’écrivains cherchent à cacher leur pauvreté d’idées sous la surabondance des mots.

Qu’on évite donc, en conséquence, toute prolixité et tout enchevêtrement de remarques insignifiantes qui ne valent pas la peine d’être lues. On doit être économe du temps, des efforts et de la patience du lecteur. Si l’on fait cela, il croira volontiers que ce qu’on lui offre mérite une lecture attentive et le récompensera de sa peine. Il vaut toujours mieux omettre quelque chose de bon, qu’ajouter quelque chose d’insignifiant. Le mot d’Hésiode : πλέον ἥμισυ παντὸς (la moitié est préférable au tout) (Travaux et jours, vers 40), trouve ici sa pleine application. En somme, ne pas dire tout ! « Le secret pour être ennuyeux, c’est de tout dire[1] ».

Donc, autant que possible, la quintessence seule,

  1. C’est le vers de Voltaire, mal cité :

    Le secret d’ennuyer, c’est de vouloir tout dire.

    (Le trad.)