Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/125

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On pourrait même considérer ces différences de rang amenées par les institutions humaines, en quelque sorte comme une parodie ou un faux remplacement des différences naturelles. En effet, les signes extérieurs des premières, comme les témoignages de respect d’une part et les marques de supériorité d’autre part, ne peuvent convenir et être appliqués sérieusement qu’à l’aristocratie naturelle[1], tandis que, en ce qui concerne l’aristocratie humaine, ils ne peuvent constituer qu’une apparence. Ainsi celle-ci est par rapport à celle-là ce qu’est le clinquant à l’or, un roi de théâtre à un roi véritable.

Toute différence de rang de nature arbitraire est d’ailleurs reconnue volontiers par les hommes ; la seule qui ne le soit pas, c’est la différence de rang naturelle. Chacun est prêt à reconnaître l’autre pour plus distingué ou plus riche que soi, et en conséquence à le vénérer ; mais la différence infiniment plus grande que la nature a mise irrévocablement entre les hommes, personne ne veut la reconnaître. En matière d’intelligence, de jugement, de perspicacité, chacun se juge l’égal de l’autre. Aussi, dans la société, sont-ce précisément les meilleurs qui ont le désavantage. Voilà pourquoi ils évitent cette société.

Ce ne serait peut-être pas un mauvais sujet pour un peintre, de représenter le contraste entre l’aristocratie naturelle et l’aristocratie humaine. Par exemple, un prince avec toutes les marques distinctives de son rang

  1. Ils doivent même dériver seulement de la constatation de celle-ci, puisque tous paraissent indiquer bien autre chose qu’une simple supériorité de puissance, pour la constatation de laquelle ils n’ont manifestement pas été imaginés.