Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

génie ne peut jamais rendre compte de ses propres œuvres.

Dans la moralité de nos actes, le principe juridique : audienda et altera pars, ne peut pas valoir ; c’est-à-dire que la sensualité et l’égoïsme n’ont pas le droit de se faire entendre. Ce principe sera plutôt, dès que la volonté pure se sera exprimée : nec audienda altera pars.

Au sujet de la misère humaine, il y a deux dispositions opposées de notre âme.

Dans l’une, la misère humaine nous affecte directement, elle se prend à notre propre personne, à notre propre volonté, qui veut violemment et toujours est brisée, ce qui précisément constitue la souffrance. La conséquence, qui se manifeste dans tous les affects et toutes les passions, c’est que la volonté veut toujours plus violemment, et ce vouloir de plus en plus fort atteint sa fin seulement là où la volonté se détourne et est remplacée par une complète résignation, c’est-à-dire par la délivrance. Celui qui se trouve en plein dans la disposition décrite, verra avec envie le bonheur des autres, et sans sympathie leurs souffrances.

Dans la disposition opposée à celle-ci, la misère humaine se présente à nous seulement comme connaissance, c’est-à-dire directement. La contemplation de la souffrance des autres est prédominante, et détourne notre attention de notre propre souffrance. Dans la personne des autres nous percevons la souffrance humaine, nous sommes remplis de compassion, et le résultat de cette disposition est la bienveillance univer-