Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/14

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philosophe contrebalance les avantages et les inconvénients, sans prendre nettement parti dans un sens plutôt que dans l’autre, mais en inclinant toutefois visiblement vers le maintien de l’usage du superflu, « cette chose si nécessaire », suivant le mot célèbre de Voltaire ; il aborde ensuite la question de la souveraineté du peuple, qui commençait alors à occuper les esprits dans cette Allemagne où, si longtemps, l’obéissance à peu près passive avait régné en maîtresse, et où les mœurs féodales s’étaient prolongées presque jusqu’à ce jour-là.

Cette question est pour Schopenhauer une occasion d’établir un parallèle entre la forme gouvernementale monarchique et la forme républicaine. Aristocrate « de la veille », comme il se complaisait à le redire en employant cette expression française, par toutes les habitudes de son existence et tous les traits de son caractère, il avait par conséquent peu de goût pour la suprématie de la masse. Toutes les fibres de sa nature dédaigneuse et raffinée se rétractaient au contact du profanum vulgus, et des expériences comme celle de la révolution de 1848, où il s’était senti menacé dans sa suffisante mais modeste aisance, et, partant, dans son indépendance et le bonheur du restant de sa vie, n’étaient pas faites pour le réconcilier avec la démocratie. Schopenhauer éprouva alors un sentiment analogue à celui que Taine, esprit si libre par certains côtés, mais caractère un peu timide et facilement apeuré, éprouva à l’occasion des événements de la Commune. Le philosophe allemand se prononce donc pour la monarchie contre la république. On trouvera ici ses raisons alléguées. L’une d’elles, — nullement personnelle, puisqu’il n’entra jamais dans sa pensée de mettre pour sa part la main à la chose publique, — c’est qu’il doit être plus difficile aux intelligences supérieures d’arriver à de hautes situations, et, par là, à une influence politique directe, dans les républiques que dans les monarchies : pour quel motif, il nous le dit. Il voulait aussi avant tout un solide principe d’autorité, et il croyait la seconde forme gouvernementale plus apte à l’établir que la première. Mais ce serait une erreur que de voir en lui un parti-