Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/147

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présente sous la notion exacte qui lui appartient. La maturité est l’œuvre de l’expérience seule, et par conséquent du temps. Comme nous acquérons le plus souvent séparément nos connaissances perceptibles et nos connaissances abstraites, les premières par la voie naturelle, les secondes par les bons et mauvais enseignements et par les communications des autres, il y a d’ordinaire dans la jeunesse peu d’accord et d’union entre nos notions, fixées par de simples mots, et notre connaissance réelle, obtenue par la perception. C’est seulement au fur et à mesure que celles-là et celle-ci se rapprochent, et se corrigent mutuellement ; ce n’est toutefois que quand leur union est tout à fait complète, que la connaissance est mûre. Cette maturité est absolument indépendante d’une autre espèce de perfection, celle plus ou moins grande des facultés d’un chacun. Cette dernière perfection repose non sur la cohésion de la connaissance abstraite et de la connaissance intuitive, mais sur le degré d’intensité de toutes deux.

Pour l’homme pratique, l’étude la plus utile est l’acquisition d’une connaissance exacte et approfondie du train des choses de ce monde. Mais cette étude est aussi la plus pénible, puisqu’on peut la prolonger jusqu’à un âge très avancé, sans jamais arriver au bout ; tandis que, en matière de sciences, on possède dès la jeunesse les données les plus importantes. L’enfant et l’adolescent ont sous ce rapport, en leur qualité de novices, les premières et les plus dures leçons à subir ; mais il arrive souvent que même l’homme mûr a encore beaucoup à apprendre.