Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/161

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soif de vengeance. Mais chaque désir accompli occasionne plus ou moins de désillusion, et cela est vrai aussi de la vengeance. Le plaisir que nous en attendions nous est le plus souvent empoisonné par la pitié. Oui, la vengeance qu’on a exercée déchirera ensuite fréquemment le cœur et torturera la conscience. Son motif n’agissait plus, et nous restons en face du témoignage de notre méchanceté.

La souffrance du désir inaccompli est faible, comparée à celle du repentir. Car celle-là a devant elle l’avenir toujours ouvert et incommensurable ; celle-ci, le passé irrévocablement fermé.

La patience — patienta en latin, mais particulièrement le sufrimiento espagnol — vient du mot souffrir ; elle indique par conséquent passivité, le contraire de l’activité de l’esprit, avec laquelle, lorsque celle-ci est grande, elle est difficilement compatible. La patience est la vertu innée des flegmatiques, comme celle des gens dont l’esprit est indolent ou pauvre, et des femmes. Que néanmoins elle soit si utile et si nécessaire, cela indique que le monde est tristement fait.

L’argent est la félicité humaine in abstracto ; de sorte que celui qui n’est plus capable d’en jouir in concreto, lui donne tout son cœur.

La base de l’entêtement, c’est que la volonté s’est imposée au lieu de la connaissance.

La morosité et la mélancolie sont fort éloignées l’une de l’autre. Il y a beaucoup moins loin de la