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gaieté à la mélancolie, que de la morosité à celle-ci…

La mélancolie attire ; la morosité repousse.

L’hypocondrie ne nous torture pas seulement sans raisons au sujet des choses présentes ; elle ne nous remplit pas seulement d’une angoisse sans motifs au sujet de malheurs imaginaires dans l’avenir ; elle nous tourmente encore par des reproches immérités sur nos actions dans le passé.

L’effet le plus direct de l’hypocondrie, c’est de rechercher constamment des motifs d’irritation ou de tourment. La cause en est une dépression morbide intérieure, à laquelle se joint souvent un trouble intérieur qui provient du tempérament. Quand tous deux atteignent le plus haut degré, le résultat est le suicide.

J’ai cité, dans mon chapitre sur l’Éthique, ce vers de Juvénal :

Quantulacunque adeo est occasio, sufficit iræ[1].

Je vais l’expliquer plus en détail.

La colère provoque immédiatement un mirage consistant en un agrandissement monstrueux et en une distorsion non moins monstrueuse de la cause qui lui a donné naissance. Or, ce mirage à son tour accroît la colère, et, en vertu de cette colère accrue, s’agrandit encore lui-même. Ainsi s’augmente continuellement l’action réciproque, jusqu’à ce qu’elle aboutisse aufuror brevis.

Les personnes vives, dès qu’elles commencent à

  1. « Il ne faut à la colère qu’un prétexte, si petit qu’il soit. » Voir plus haut, page 37.