Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/56

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nous rappeler les somnambules magnétisés, dont le « moi » identique, après leur réveil, ne sait rien de ce qu’un moment auparavant ils ont dit, fait et souffert eux-mêmes. La conscience individuelle est donc un point si entièrement phénoménal, que même dans le même « moi » il peut en surgir deux dont l’un ne sait rien de l’autre.

Des considérations comme les précédentes ont toutefois, dans notre Occident judaïsé, quelque chose de très étrange ; mais il n’en est pas ainsi dans la patrie de la race humaine, dans ce pays où règne une foi tout autre, une foi conformément à laquelle, aujourd’hui encore, après les funérailles, les prêtres chantent devant tout le peuple, avec accompagnement d’instruments, l’hymne du Véda qui commence ainsi :

« L’esprit incarné qui a mille têtes, mille yeux, mille pieds, a sa racine dans la poitrine humaine et pénètre à la fois toute la terre. Cet être est le monde et tout ce qui a été et sera. C’est ce qui s’accroît par la nourriture et confère l’immortalité. C’est là sa grandeur, et pour cela il est l’esprit incarné le plus noble. Les éléments de ce monde constituent une part de son être, et trois parts sont l’immortalité dans le ciel. Ces trois parts se sont élevées du monde ; mais l’autre part est restée en arrière et est ce qui (par la migration des âmes) jouit et ne jouit pas des fruits des bonnes et des mauvaises actions, etc. » (Voir Colebrooke, On the religious Ceremonies of the Hindoos, t. V des Asiatic Researches, édit. de Calcutta, p. 345, et aussi ses Miscellaneous Essays, t. I, p. 167).

Si l’on compare ces hymnes avec ceux de nos livres de prières, on ne s’étonnera plus que les missionnaires