Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/62

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— θεοῖς μὲν κἂν ὁ μηδὲν ὢν ὁμοῦ
κράτος κατακτήσαιτ᾽: ἐγὼ δὲ καὶ δίχα
κείνων πέποιθα τοῦτ᾽ ἐπισπάσειν κλέος
[1].
_________________(Ajax, vers 767 à 769.)

Le fanatisme chrétien, qui cherche à convertir le monde entier à sa foi, est irresponsable. Sir James Brooks, rajah de Bornéo, qui colonisa et gouverna un temps une portion de cette île, a fait à Liverpool, en septembre 1858, dans une réunion de la Société pour la propagation de l’Évangile, — c’est-à-dire le centre des missions, — un discours où il dit : « Vous n’avez fait aucun progrès chez les mahométans, vous n’avez fait absolument aucun progrès chez les Indous, mais vous en êtes juste au même point où vous étiez le premier jour que vous avez mis le pied dans l’Inde ». (Times, 29 septembre 1858). Les émissaires de la foi chrétienne se sont au contraire montrés très utiles et précieux dans une autre direction, car quelques-uns d’entre eux nous ont donné d’excellents et sérieux rapports sur le brahmanisme et le bouddhisme, ainsi que des traductions fidèles et soignées des livres saints, comme il n’est possible de les faire que si l’on y met de l’amour. À ces nobles individus je dédie les vers suivants :

Partez comme professeurs ;
Revenez comme écoliers.
Vous avez laissé tomber là
L’écaille de vos yeux aveuglés[2].

  1. « Avec l’aide des dieux, le lâche même peut remporter la victoire ; mais, moi, je me flatte d’obtenir cette gloire, même sans eux. »
  2. Als Lehrer geht ihr hin :
    Als Schüler kommt ihr wieder.
    Von dem umschlei’rten Sinn
    Fiel dort die Decke nieder.