Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/152

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qui la négligent, parce que les premiers s’accommodent au goût de leurs contemporains, tandis que les autres l’affrontent.

Autant il est difficile d’acquérir la gloire, autant est-il facile de la conserver. En cela aussi elle est en opposition avec l’honneur. Celui-ci s’accorde à chacun, même à crédit, et l’on n’a plus qu’à le garder. Mais là est la tâche, car une seule action indigne le fait perdre irrévocablement. Au contraire, la gloire ne peut réellement jamais être perdue, car l’action ou l’œuvre qui l’ont amenée demeure à jamais accomplie, et la gloire en reste à l’auteur, quand même à l’ancienne il n’en ajouterait plus de nouvelle. Si néanmoins elle s’éteint, si l’auteur lui survit, c’est qu’elle était fausse, c’est-à-dire qu’il ne l’avait pas méritée ; elle venait d’une évaluation exagérée et momentanée du mérite ; c’était une gloire dans le genre de celle de Hegel et que Lichtenberg décrit en disant qu’elle avait été « proclamée à son de trompette par une coterie d’amis et de disciples et répercutée par l’écho des cerveaux creux ; mais comme la postérité sourira quand, un jour, frappant à la porte de ces cages à mots bariolés, de ces charmants nids d’une mode envolée, de ces demeures de conventions expirées, elle trouvera tout, tout absolument vide, et pas une pensée pour répondre avec confiance : Entrez ! »

En définitive, la gloire se fonde sur ce qu’un homme est en comparaison des autres. Elle est donc par essence quelque chose de relatif et ne peut avoir aussi qu’une valeur relative. Elle disparaîtrait totalement si les autres de-