Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/221

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και ανεχειν » (abstinere et sustinere, s’abstenir et se soutenir), voilà la règle sans l’observation de laquelle ni richesse ni pouvoir ne pourront nous empêcher de sentir notre misérable condition. Horace dit à ce sujet :

Inter cuncta leges, et percontabere doctos
Qua ratione queas traducere leniter ævum ;
Ne te semper inops agitet vexetque cupido,
Ne pavor et verum mediocriter utilium spes.

(Cependant, lis et cause avec les doctes ; cherche ainsi à mener doucement ta vie ; sans quoi, le désir t’agite et te blesse en te laissant toujours pauvre, sans crainte et sans l’espérance des choses médiocrement utiles.) — (Traduction L. de Lisle, Ep. I, 18, vers 96-99.)

17° « Ο βιος εν τη κινησει εστι » (La vie est dans le mouvement), a dit Aristote avec raison : de même que notre vie physique consiste uniquement dans et par un mouvement incessant, de même notre vie intérieure, intellectuelle demande une occupation constante, une occupation avec n’importe quoi, par l’action ou par la pensée ; c’est ce que prouve déjà cette manie des gens désœuvrés, et qui ne pensent à rien, de se mettre immédiatement à tambouriner avec leurs doigts ou avec le premier objet venu. C’est que l’agitation est l’essence de notre existence ; une inaction complète devient bien vite insupportable, car elle engendre le plus horrible ennui. C’est en réglant cet instinct qu’on peut le satisfaire méthodiquement et avec plus de fruit. L’activité est indispensable au bonheur ; il faut que l’homme agisse, fasse quelque chose si cela lui est possible ou apprenne au moins quelque chose ; ses forces demandent leur emploi, et lui-même ne demande qu’à leur voir produire un résul-