Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/220

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cuter à notre esprit toutes ces manœuvres et contre-manœuvres, il nous faut, comme en bien d’autres circonstances, exercer une contrainte sur nous-mêmes ; toutefois nous devrions en puiser la force dans cette réflexion que l’homme subit du monde extérieur de nombreuses et puissantes contraintes auxquelles nulle existence ne peut se soustraire, mais qu’un petit effort exercé sur soi-même et appliqué au bon endroit peut obvier souvent à une grande pression extérieure ; de même, une petite découpure dans le cercle, voisine du centre, correspond à une ouverture parfois centuple à la périphérie. Rien ne nous soustrait mieux à la contrainte du dehors que la contrainte de nous-mêmes : voilà la signification de cette sentence de Sénèque : « Si tibi vis omnia subjicere, te subjice rationi » (Ep. 37) (Si vous voulez que toutes choses vous soient soumises, soumettez-vous d’abord à la raison). En outre, cette contrainte sur nous-mêmes, nous l’avons toujours en notre puissance, et dans un cas extrême, ou bien lorsqu’elle porte sur notre point le plus sensible, nous avons la faculté de la relâcher un peu, tandis que la pression extérieure est pour nous sans égards, sans ménagement et sans pitié. C’est pourquoi il est sage de prévenir celle-ci par l’autre.

16° Borner ses désirs, refréner ses convoitises, maîtriser sa colère, se rappelant sans cesse que chaque individu ne peut jamais atteindre qu’une partie infiniment petite de ce qui est désirable et qu’en revanche des maux sans nombre doivent frapper chacun ; en un mot, « απεχειν