Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

stater l’influence pernicieuse de l’absence d’activité régulière, d’un travail quel qu’il soit, pendant les voyages d’agrément de longue durée, où de temps en temps on se sent assez malheureux, par la seule raison que, privé de toute occupation réelle, on se trouve pour ainsi dire arraché à son élément naturel. Prendre de la peine et lutter contre les résistances est un besoin pour l’homme, comme de creuser pour la taupe. L’immobilité qu’amènerait la satisfaction complète d’une jouissance permanente lui serait insupportable. Vaincre des obstacles est la plénitude de la jouissance dans l’existence humaine, que ces obstacles soient d’une nature matérielle comme dans l’action et l’exercice, ou d’une nature spirituelle comme dans l’étude et les recherches : c’est la lutte et la victoire qui rendent l’homme heureux. Si l’occasion lui en manque, il se la crée comme il peut : selon que son individualité le comporte, il chassera ou jouera au bilboquet, ou, poussé par le penchant inconscient de sa nature, il suscitera des querelles, ourdira des intrigues, machinera des tromperies ou n’importe quelle autre vilenie, rien que pour mettre un terme à l’état d’immobilité qu’il ne peut supporter. « Difficilis in otio quies » (Le calme est difficile dans l’inaction).

18° Ce ne sont pas les images de la fantaisie mais des notions nettement conçues qu’il faut prendre pour guide de ses travaux. Le contraire arrive le plus souvent. En bien examinant, on trouve que ce qui, dans nos déterminations, vient en dernière instance rendre l’arrêt décisif, ce ne sont pas ordinairement des notions et des