Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/263

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scène de comédie entre deux fous : « Probatum est. » L’homme né pour instruire le monde sur les sujets les plus importants et les plus sérieux peut parler de sa chance quand il s’en tire sain et sauf.

39° Celui qui veut que son opinion trouve crédit doit l’énoncer froidement et sans passion. Car tout emportement procède de la volonté ; c’est donc à celle-ci et non à la connaissance, qui est froide de sa nature, que l’on attribuerait le jugement émis. En effet, la volonté étant le principe radical dans l’homme, et la connaissance n’étant que secondaire et venue accessoirement, on considérera plutôt le jugement comme né de la volonté excitée que l’excitation de la volonté comme produite par le jugement.

40° Il ne faut pas se laisser aller à se louer soi-même, alors même qu’on en aurait tout le droit. Car la vanité est chose si commune, le mérite au contraire si rare, que toutes les fois que nous semblons nous louer, quelque indirectement que ce soit, chacun pariera cent contre un que ce qui a parlé par notre bouche c’est la vanité, parce qu’elle n’a pas assez de raison pour comprendre le ridicule de la vanterie. Néanmoins, Bacon de Verulam pourrait bien n’avoir pas tout à fait tort quand il prétend que le « semper aliquid hæret » (il en reste toujours quelque chose) n’est pas vrai uniquement de la calomnie, mais aussi de la louange de soi-même, et quand il la recommande à doses modérées[1].

41° Quand vous soupçonnez quelqu’un de mentir, fei-

  1. Voy. De augmentis scientiarum, Lud. Batav., 1645, l. VIII, ch. 2, p. 644 et suiv.