Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/279

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ment. Car l’homme sait bien vite se résigner à ce qui est inévitablement nécessaire, et la connaissance du précepte ci-dessus lui fait envisager tous les événements, même ceux qu’amènent les hasards les plus étranges, comme aussi nécessaires que ceux qui dérivent des lois les mieux connues et se conforment aux prévisions les plus exactes. Je renvoie donc le lecteur à ce que j’ai dit (voyez Le monde comme volonté et comme représentation) sur l’influence calmante qu’exerce la notion de l’inévitable et du nécessaire. Tout homme qui s’en sera pénétré commencera par faire bravement ce qu’il peut faire, puis souffrira bravement ce qu’il doit souffrir.

Nous pouvons considérer les petits accidents qui viennent nous vexer à toute heure, comme destinés à nous tenir en haleine, afin que la force nécessaire pour supporter les grands malheurs ne se relâche pas dans les jours heureux. Quant aux tracasseries journalières, aux petits frottements dans les rapports entre les hommes, aux chocs insignifiants, aux inconvenances, aux caquets et autres choses semblables, il faut être cuirassé à leur égard, c’est-à-dire non seulement ne pas les prendre à cœur et les ruminer, mais ne pus même les ressentir ; ne nous laissons pas toucher par tout cela, repoussons-le du pied comme les cailloux qui gisent sur la route, et n’en faisons jamais un objet intime de réflexion et de méditation.

52° Le plus souvent, ce sont simplement leurs propres sottises que les gens appellent communément le sort. On ne peut donc assez se pénétrer de ce beau passage d’Homère (Il., XXIII, 313 et suiv.) où il recommande la