Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/280

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« μηλις », c’est-à-dire une sage circonspection. Car, si l’on n’expie ses fautes que dans l’autre monde, c’est déjà dans celui-ci qu’on paye ses sottises, bien que de temps à autre celles-ci trouvent grâce, à l’occasion.

Ce n’est pas le tempérament violent, c’est la prudence qui fait paraître terrible et menaçant : tellement le cerveau de l’homme est une arme plus redoutable que la griffe du lion.

L’homme du monde parfait serait celui que l’indécision ne ferait jamais rester à court et que rien non plus ne ferait se presser.

53° Le courage est, après la prudence, une condition essentielle à notre bonheur. Certainement on ne peut se donner ni l’une ni l’autre de ces qualités ; on hérite la première de son père et la seconde de sa mère ; cependant, par une résolution bien prise et par de l’exercice, on parvient à augmenter la part qu’on en possède. Dans ce monde où le sort est d’airain, il faut avoir un caractère d’airain, cuirassé contre la destinée et armé contre les hommes. Car toute cette vie n’est qu’un combat ; chaque pas nous est disputé, et Voltaire dit avec raison : « On ne réussit dans ce monde qu’à la pointe de l’épée, et on meurt les armes à la main. » Aussi est-ce d’une âme lâche, dès que les nuages s’amoncellent ou se montrent seulement à l’horizon, de se laisser abattre, de perdre courage et de gémir. Que notre devise soit plutôt :

Tu ne cede malis sed contra audentior ito.

(Ne cède pas à l’adversité, mais marche hardiment contre elle.)