Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/52

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de ces jouissances des plaisirs nationaux. Secondement, les jouissances de l’irritabilité : ce sont les voyages, la lutte, le saut, la danse, l’escrime, l’équitation et les jeux athlétiques de toute espèce, comme aussi la chasse, voire même les combats et la guerre. Troisièmement, les jouissances de la sensibilité : telles que contempler, penser, sentir, faire de la poésie, de l’art plastique, de la musique, étudier, lire, méditer, inventer, philosopher, etc. Il y aurait à faire bien des observations sur la valeur, le degré et la durée de ces différentes espèces de jouissances ; nous en abandonnons le soin au lecteur. Mais tout le monde comprendra que notre plaisir, motivé constamment par l’emploi de nos forces propres, comme aussi notre bonheur, résultat du retour fréquent de ce plaisir, seront d’autant plus grands que la force productrice est de plus noble espèce. Personne ne pourra nier non plus que le premier rang, sous ce rapport, revient à la sensibilité, dont la prédominance décidée établit la distinction entre l’homme et les autres espèces animales ; les deux autres forces physiologiques fondamentales, qui existent dans l’animal au même degré ou à un degré plus énergique même que chez l’homme, ne viennent qu’en seconde ligne. À la sensibilité appartiennent nos forces intellectuelles. C’est pourquoi sa prédominance nous rend aptes à goûter les jouissances qui résident dans l’entendement, ce qu’on appelle les plaisirs de l’esprit ; ces plaisirs sont d’autant plus grands que la prédominance est plus accentuée[1].

  1. La nature va s’élevant constamment, depuis l’action mécanique et chimique du règne inorganique jusqu’au règne végétal avec ses sourdes