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APRIORITÉ DE LA NOTION DE CAUSALITÉ

à savoir, la vision dans son étendue simplement planimétrique, avec deux dimensions seulement, auxquelles l’entendement, moyennant les autres données supplémentaires que nous avons indiquées, ajoute alors la troisième, aussi bien en présence du dessin qu’en face de la réalité. En effet, ce dessin est une écriture, dont la lecture, ainsi que celle des caractères imprimés, est facile pour chacun, mais que peu de gens savent écrire ; dans la perception, notre entendement n’appréhende l’effet que pour s’en servira construire la cause, et, celle-ci obtenue, il ne s’occupe plus de l’autre. Nous reconnaissons instantanément une chaise, par exemple, dans toutes les positions possibles ; mais la dessiner dans n’importe quelle position est l’affaire propre de cet art qui fait abstraction de cette troisième opération de l’entendement, pour n’en présenter que les données, afin que la personne qui les regarde effectue elle-même cette opération. Cet art, nous l’avons dit, c’est tout d’abord l’art du dessin en projection, puis, dans le sens le plus général, l’art de la peinture. Un tableau présente des lignes menées selon les règles de la perspective, des places claires et d’autres obscures, en rapport avec l’impression de la lumière et de l’ombre, enfin des plaques colorées conformes, en ce qui regarde leur qualité et leur intensité, à ce que nous enseigne l’expérience. Le spectateur lit cette écriture en donnant à des effets semblables les causes qui lui sont familières. L’art du peintre consiste en ce qu’il garde judicieusement dans sa mémoire les données de la sensation visuelle, telles qu’elles existent avant cette troisième opération de l’entendement ; tandis