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PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION

donc corrigé, autant que faire se pouvait, le présent travail de ma jeunesse, et, vu la brièveté et l’incertitude de la vie, je dois m’estimer particulièrement heureux qu’il m’ait été donné de pouvoir réviser dans ma soixantième année ce que j’avais écrit dans ma vingt-sixième.

J’ai voulu néanmoins être très indulgent pour mon jeune homme et, autant que possible, lui laisser la parole et même lui laisser tout dire. Cependant, quand il avance quelque chose d’inexact ou de superflu, ou bien encore quand il omet ce qu’il y avait de meilleur à dire, j’ai bien été obligé de lui couper la parole, et cela est arrivé assez fréquemment ; tellement, que plus d’un lecteur éprouvera le même sentiment que si un vieillard lisait à haute voix le livre d’un jeune homme, en s’interrompant souvent pour émettre ses propres considérations sur le sujet.

On comprendra facilement qu’un ouvrage ainsi corrigé et après un intervalle aussi long, n’a pu acquérir cette unité et cette homogénéité qui n’appartiennent qu’à ce qui est coulé d’un jet. On sentira déjà dans le style et dans la manière d’exposer une différence si manifeste, que le lecteur doué d’un peu de tact ne sera jamais dans le doute si c’est le jeune ou le vieux qu’il entend parler. Car, certes, il y a loin du ton doux et modeste du jeune homme qui expose ses idées avec confiance, étant assez simple pour croire très sérieusement